Ce ventre qui dérange tant
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Durant mon moment scrolling Instagram de la journée, il y a quelques jours je suis tombée sur cette vidéo :
Cette femme explique que sa tenue, visiblement assez moulante lui a valu des commentaires vis-à-vis d’une éventuelle grossesse sauf que vous l’aurez deviné, elle n’est pas enceinte!
Et cela m’a amené à me poser la question suivante : pourquoi déteste t-on autant nos ventres ?
Quand je dis “on” je m’inclus bien évidemment dedans car s’il y a bien une partie de mon corps que je haïs c’est bien mon ventre et je dois admettre que depuis mon accouchement, même en ayant à ce jour perdu plus de poids que ce que j’ai pris durant ma grossesse, c’est difficile d’accepter la rondeur de mon ventre. En fait, j’ai réalisé que depuis que je suis adulte, je n’ai apprécié la vision de mon ventre uniquement pendant les 9 mois où j’ai porté la vie. L’obsession d’avoir un ventre plat s’est accentuée plus que jamais car il est désormais un peu plus rond qu’avant ma grossesse (ce qui est en soit très logique) et me dérange fortement.
Mais…. pourquoi me dérange t-il autant ?
On s’entend que les dictats de beauté de notre société actuelle n’aident certainement pas à se sentir bien dans sa peau quand on a pas un ventre plat, et, nos chers réseaux sociaux reflétant bien les problématiques sociétales, nous font bien nous sentir coupables d’avoir un ventre rond. En tant que maman, mon algorithme n’hésite pas à me balancer du contenu utile en termes de parenting tout autant que des vidéos de workout post-partum qui focalisent bien entendu sur la perte de ventre. Alors, les vidéos de renforcement musculaire pour la distase abdominale m’ont bien aidé je l’avoue et ont un objectif santé mais toutes les autres qui promeuvent la perte de ventre peuvent être assez culpabilisantes. Je m’explique.
Je me considère comme une personne plutôt active. Je danse (je fais des compétitions, des performances, j’enseigne), je m’entraîne (muscu en mode HIIT), je marche (environ 7000 pas par jour), bref je me bouge pas mal et j’aime ça. Je fais des activités en adéquation avec mes capacités et mes intérêts, ce qui me motive et me permets de maintenir une certaine discipline. On s’entend que l’idée est de vouloir s’améliorer un peu plus chaque jour, par exemple améliorer mon niveau en danse, être capable de soulever plus de poids, marcher plus vite/plus longtemps. Et donc, sincèrement qu’est-ce qu’avoir un ventre plat va changer dans tout ça ? Cela va t-il réellement bonifier mes performances physiques ? Vais-je être en meilleure santé si j’ai un ventre plat ? Bien sûr que non.
« Nous sommes tous·tes grossophobes ! »
J’ai entendu cette phrase dans le podcast québécois À plat ventre. L’autrice de cette citation expliquait qu’étant donné que la société dans son ensemble projette de la grossophobie en permanence, c’est un comportement totalement ancré en chaque individu, nous ne pouvons pas y échapper. Le culte de la minceur et du ventre plat, c’est de la grossophobie. Pourquoi ? Parce que cela a été démontré de nombreuses fois qu’un corps mince n’est pas nécessairement en bonne santé. Cependant, dans l’imaginaire collectif, une personne mince est une personne qui prend soin d’elle, qui est active, qui a une bonne hygiène de vie. Ça peut même être synonyme de richesse, de réussite sociale, de discipline. Et puis il y a même une dimension raciale dans la grossophobie, je vous recommande cet article (en anglais) “Fearing the Black Body: The Racial Origins of Fat Phobia,” by Sabrina Strings, NYU Press, 2019.
Par conséquent, on associe bien trop souvent qu’avoir du ventre c’est “se laisser aller”, “ne pas prendre soin de soi”, “ne pas manger équilibré”. Cependant, en tant que femme, vous savez très bien que nos hormones jouent sur la forme de notre corps et surtout sur celle de notre ventre. Vous avez probablement remarqué que votre ventre est ballonné quand vous avez vos règles, que lorsque vous démarrez ou arrêtez la pilule vous prenez du poids, que lorsque vous souffrez d’endométriose ou du SOPK, vous avez des périodes où votre ventre grossit, bref les hormones ne nous aident pas à maintenir un ventre plat. Par ailleurs, évidemment, une grossesse a des effets sur notre corps et peut le transformer à tout jamais. Ce que je trouve déplorable est que l’on accepte volontiers notre nouvelle vie de maman, notre nouvelle vision des choses, le changement de notre personnalité mais par contre on rejette totalement notre nouveau corps et on souhaite absolument qu’il retrouve sa forme d’avant.
Tout tourne autour de l’image, de la perception que l’on a de son propre corps et de celle que les autres ont de nous.
C’est la conclusion que j’en tire. Si l’on est autant obsédé par notre apparence physique c’est avant tout par peur du regard et du jugement des autres. Quand vous êtes la plus grosse de votre groupe d’ami·es, la plus grosse des membres de votre famille, la plus grosse du bureau/de la classe, forcément on vous regarde et on vous juge. Quand vous allez dans un cours de groupe, quand vous allez à la plage ou à la piscine et que vous êtes celle qui a un ventre rond, vous vous sentez mal à l’aise, vous vous comparez à ces autres femmes au ventre plat.
N’oublions pas que chaque corps a un métabolisme différent et que oui il existe des femmes qui naturellement ont un ventre plat et le maintiendront peu importe ce que leur corps subit, mais pour une majorité, notre ventre n’est pas plat et ne le sera jamais vraiment. Cela ne signifie pas que l’on est fainéantes, que l’on prend moins soin de nous, que notre corps n’est pas beau. Nous devons juste apprendre l’accepter et l’apprécier car rappelons que c’est à cet endroit que nous ressentons le plus d’émotions. Alors mesdames aimons et chérissons notre petit bidon !