Ce moment où je me suis épuisée

Surmenage, épuisement, burn-out, peu importe comment on le nomme, dans cet article je vais te confier ce moment difficile que je viens de traverser. Afin de ne pas trop m’éparpiller, afin que ta lecture soit la plus agréable possible, et que le récit soit clair et concis, je vais te décrire cela en plusieurs parties.

  • Les symptômes

J’ai terminé l’année 2021 surmenée et fatiguée, j’ai commencé l’année 2022 surmenée et fatiguée. Même en ayant ici et là, quelques moments de répit durant le temps des fêtes, ce n’était clairement pas assez de repos, et j’ai très rapidement repris un rythme infernal en début d’année.

Le surmenage, c’est ce sentiment d'être sous l’eau, d’avoir tellement de choses à faire, tellement de tâches à effectuer, et ce, en permanence. Comme si ton cerveau n’est jamais sur pause. Et même quand tu essaies de le forcer à se déconnecter, tes pensées te hantent constamment. Quand tu es dans une phase de surmenage, méditer est un exercice fastidieux. Tu as beau vouloir vider ton esprit, ne penser à rien, c’est chose impossible. Ça aide tout de même, à prendre un moment pour soi, mais ça parait quelque peu illusoire, si durant ce moment, tu n’es même pas capable de te concentrer sur toi-même.

La fatigue, je dirais même l’épuisement, c’est tout le temps. Il faut savoir que je suis une personne qui fait ses 8 heures de sommeil par nuit, donc techniquement, je devrais avoir l’énergie nécessaire pour accomplir tout ce que j’ai à faire dans une journée. Et pourtant, je me lève fatiguée, j’ai des maux de tête en plein après-midi, et vers 18h, j’ai déjà envie de dormir. Cependant, j’ai tant à faire que je ne peux pas m’accorder de siestes, alors j’enchaîne, jour après jour.

Les pertes de mémoire à court terme sont une chose que j’ai découverte pendant mon burn-out. En fait j’ai réalisé que mon cerveau était tellement occupé avec mille et une pensées, mais aussi tellement fatigué, qu’il m’arrivait d’oublier des choses très banales. “Est-ce que j’ai fermé la porte à clé ? Est-ce que j’ai bien ajouté cet ingrédient là ? Est-ce que j’ai fait partir la machine [à laver] ? Est-ce que je me suis savonnée ? Est-ce que j’ai mis du déo ?” Dans le doute, ce sont des tâches que je pouvais recommencer 2 à 3 fois.

Le physique en a pris un coup. Fin 2021, je me bloque quelques fois le dos en faisant du sport. Je vais voir une osthéopathe, et elle me dit que j’ai un tas de choses coincées au niveau de mon appareil digestif. Des choses accumulées depuis des années et des années. En plus de ça, je prends du poids parce que je n’ai plus d’équilibre alimentaire, il m’arrive même de ne pas manger pour éviter de perdre du temps quand j’effectue une tâche. J'arrête les workout et la danse et me concentre sur le yoga histoire de continuer à bouger mon corps dans une moindre mesure. Lorsque j’essaie de me remettre à mes séances de HIT, je me reblesse. Mon corps est clairement épuisé lui aussi.

La morosité est un sentiment qui m’envahissait de temps à autres. Je pouvais passer des jours et des jours à me sentir vide, à faire des choses juste pour les faire, à me sentir impuissante face à ce que je ressentais. Et puis, ça partait. Quelques jours après, je dois réaliser un travail qui me fait me sentir dépassée, à bout. Je m’effondre, je pleure à chaudes larmes, j’ai envie de tout lâcher. Bien évidemment, cela génère en moi de la culpabilité, personne ne me force à faire tout ça, personne ne me met le couteau sous la gorge, ce que je construis, ce que j’accomplis, je l’ai voulu, et pourtant…

  • Les causes

Pandémie et entrepreneuriat.

D’après une étude de l’organisation Recherche en santé mentale menée à la fin de l’année 2021, 41% des canadiens âgés de 18 à 34 ans souffrent d’épuisement professionnel. Ensuite, fin 2018, une étude menée sur 300 entrepreneurs par le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, révélait que 71,5% d’entre eux étaient en détresse psychologique. Ce chiffre est accablant. Avec la pandémie je n’ose imaginer ce que l’étude révèlerait aujourd'hui.

Alors que durant l’été 2020, mon cerveau était en ébullition, je venais de démarrer mon programme en création d’entreprise, je commençais à travailler sur ma future première entreprise et je lançais le blog, tout allait comme sur des roulettes. Et puis me voilà, deux ans plus tard, complètement épuisée, à deux doigts de tout lâcher, ne me retrouvant pas dans ce que je fais. L’entrepreneuriat c’est un ascenseur émotionnel permanent, que si, tu as du mal à gérer, peut rapidement te faire basculer dans un état d’anxiété extrême. À cela s’ajoute le contexte pandémique avec ses restrictions, son climat d’incertitude, sa mise en place d’un clivage entre vaccinés et non vaccinés, qui fait croître ton niveau de stress. À de nombreuses reprises, j’ai tenté de garder le contrôle sur ce sentiment de fatigue et d’anxiété qui grandissait chez moi, et malheureusement j’ai échoué. J’en suis arrivée à un point de ne tout simplement plus vouloir gérer mon entreprise, ne plus vouloir fair partie de ce projet, m’en retirer définitivement, car tout était devenu pénible. Chaque tâche à effectuer était un calvaire, il n’y avait plus aucun plaisir, et pourtant, c’est en partie mon projet, j’ai décidé de me lancer, j’y ai mis tant d’efforts, tant d’énergie, tant de créativité. Et bien malgré tout cela, je voulais juste m’en départir. Je ne me sentais plus alignée avec ce projet, je n’arrivais plus à m’y projeter, je ne voyais plus ce que cela m’apportait mise à part de la pression, du stress et de la fatigue.

Des limites que je n’ai pas su fixer.

La marque que j’ai co-fondée, Nuances self-care, était mon premier projet entrepreneurial, et tant qu’on ne sait pas ce que c’est que de se lancer en affaires, on ne peut pas imaginer la charge de travail et de stress que cela représente. Je n’ai pas du tout anticipé cela, et je me suis laissée dépasser. Je n’ai pas su identifier à temps les premiers signes de surmenage. Et parce que l’on nous vend très bien l’image de l’entrepreneur qui persévère jusqu’à ce qu’il devienne millionnaire, on se dit que l’on ne doit pas lâcher jusqu’à ce que l’on ait le succès escompté. La réalité c’est qu’il est important de s’accorder du temps de repos et de réflexion sur l’entreprise et sur soi.

Réseaux sociaux : entre pression et fausse réalité.

En fin d’année 2021, je me suis déconnectée des réseaux sociaux pendant 2 semaines, et à l’issue de cette pause, j’ai décidé de supprimer définitivement mon compte Instagram perso, sur lequel j’étais le plus active. Je trouvais que j’avais développé une relation malsaine avec la plateforme, et j’en arrivais à me dire que “ma vie c’est de la merde comparée à celle des autres !” Oui, je suis tombée dans cette spirale de la comparaison et de la sous-estime de soi. Je m’étais dit qu’en ne restant active que sur le compte de N&F, le rapport allait être plus sain, parce que je n’allais y être que pour partager mon contenu et que de toute façon les comptes que je suivais étaient plus inspirants. Et bien, en fait, je n’ai fait que de déplacer le problème. Parce qu’en réalité, j’ai vu de nombreux nouveaux podcasts se créer au même moment que j’ai sorti le mien, avoir plus de succès, plus de visibilité, et puis j’ai remarqué que même des comptes que j’aimais suivre pour leur engagement et leur authenticité, étaient dans cette course infernale du toujours plus de contenu pour aller chercher plus de followers. Et puis tu vois du contenu sponsorisé sorti de nulle part qui te propose “comment faire grandir ton audience”, “comment générer des revenus avec ton podcast”, et toutes ces publications qui te parlent encore et encore de CONSISTANCE. “La clé de réussite sur Instagram, c’est la consistance !” D’accord, j’entends bien tout ça, mais si ça me tente de publier du contenu quand ça me chante et non basé sur un calendrier éditorial, si ça me tente de faire un reel tous les 6 mois, si ça me tente de disparaître pendant 2 mois, ai-je le droit ? Bien évidemment que j’ai le droit, mais je risque de perdre des followers et de perdre en visibilité. Finalement, j’ai recommencé à me comparer, “je n’en fais pas assez, je ne crée pas assez de contenu, je n’interagis pas assez avec mes followers, je ne suis pas assez présente, etc” Sauf que, quand tu fais un burn-out, d’où veux-tu que les idées sortent ? Et puis, pour quelles raisons devrais-je créer encore plus de contenu et respecter toutes ces règles par rapport à l'algorithme ? Est-ce que mon but avec N&F c’est de m’exprimer sur les expériences des femmes noires ou c’est d’avoir le plus de followers sur Instagram ?

  • La prise de conscience

Au début, je disais “je pense faire un début de burn-out, un petit surmenage”, et puis, quand j’en ai parlé à mon meilleur ami, qui est passé par là, il m’a clairement dit : “ c’est pas un début de burn-out, c’est un burn-out !” Chose qui a été confirmée par ma thérapeute. Quand j’ai pris conscience qu’il ne s’agissait pas d’un simple moment de fatigue et de ras-le-bol, que c’était plus profond que ça, je me suis demandée comment et pourquoi j’en étais arrivée là.

Bien que la notion de burn-out se soit démocratisée, s’avouer à soi-même que l’on en vit un est difficile. On voit ça comme de la faiblesse. Mais en même temps, quand on l’accepte, c’est un soulagement, parce qu’on comprend ce qui nous arrive.

Une fois que je l’ai accepté, j’ai voulu éviter de m’enfoncer et d’encore plus sombrer. Il n’y a rien de pire qu’un surmenage qui se transforme en véritable dépression.

  • Les décisions

PARTIR. Dès que j’ai commencé à me sentir mal, la première chose qui me soit venue à l’esprit était de m’en aller, de sortir de mon train-train quotidien, de me dépayser mais surtout de me ressourcer. La Martinique était donc une évidence. La dernière fois que j’y ai mis les pieds, c’était pour l’enterrement de ma mère, il y a 7 ans. C’est la période la plus longue sans y aller, que j’ai faite. Dès mon arrivée, soulagement incroyable, un sentiment de sérénité, de ressourcement, de bien-être, d’apaisement, m’a traversé. J’ai passé 6 semaines dans my happy place, je me suis déconnectée des réseaux, j’ai profité de chaque moment, je me suis imprégnée de la chaleur, du soleil, des paysages, de la nourriture, de la culture, de la simple mais si merveilleuse qualité de vie, et bien sûr, j’ai passé des moments inoubliables en famille.

FAIRE UNE THÉRAPIE. J’y avais pensé une fois, après le décès de ma mère, et puis j’ai fait le choix de ne pas le faire, sans doute par appréhension et manque de maturité. Le burn-out m’a permis de réaliser que j’avais besoin d’aide, que je devais comprendre certains comportements chez moi afin de pouvoir avancer de façon plus saine.

EN FAIRE MOINS. Comme je l’ai écrit plus haut, les réseaux nous montrent que pour être considérée comme une personne qui réussit, il faut être sur tous les fronts ou presque, gérer des projets et/ou des entreprises à droite à gauche, tout en s’occupant de soi, tout en ayant une vie de famille, tout en étant très active sur les réseaux… S’il y a bien une chose que mon voyage en Martinique m’a bien fait comprendre, c’est qu’il n’y a aucun mal à prendre le temps de vivre, qu’être heureuse ne rime pas forcément avec être cheffe d’entreprise ou directrice, avoir une certaine notoriété, gérer 1000 projets en même temps, posséder une garde-robe d’influenceuse, etc. Le bonheur, c’est d’être capable d’apprécier chaque moment que l’on passe, chaque chose que l’on accomplit au quotidien, c’est d’être reconnaissante pour tout ce que l’on a dans notre vie (l’amour de nos proches, de quoi répondre à nos besoins, la nature, la spiritualité, la santé, etc.), le bonheur c’est d’être heureuse d’être en vie. Nous sommes tellement conditionnées à la routine du métro-boulot-dodo, que l’on croit que vivre dans un stress et une anxiété permanents est tout à fait normal. Hors de question que je revive cela, que je m’épuise de nouveau comme cela. Désormais, je choisis donc mes batailles, celles qui valent mon temps et mon énergie, sans trop m’en prendre, je m’investis dans des projets qui font du sens pour moi et que je peux gérer à mon rythme.

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