La vie pro en tant que femme noire

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Vous a t-on déjà fait de nombreux compliments sur la qualité de votre travail, puis lorsque vous avez senti que ce bon travail devait être récompensé par une promotion ou une augmentation, vous avez eu le droit à un gentil refus de la part de votre supérieur(e) ? Ou bien vous a t-on mandaté de former une nouvelle recrue de A à Z et vous avez appris par la suite que cette personne était mieux rémunérée que vous ? Moi ça m'est arrivé, et bien plus d'une fois, autant en France qu'au Québec, et ça m'a vraiment foutu les boules ! Parce que bon la première fois que ça m'est arrivé, je me suis simplement dit que je n'était pas assez qualifiée, je me suis remise en question. Mais quand ça m'est arrivé au bout de 10 ans d'expérience, pour une énième fois, ça m'a littéralement mis hors de moi et je ne me suis pas laissée faire. J'ai mis mon pied à terre, et réclamé le même salaire que la personne qui venait d'arriver et que je venais de prendre du temps à former, alors que j'avais de nombreux dossiers et que j'ai dû faire des heures sup. J'ai fini par obtenir gain de cause mais à quel prix. Pourquoi est-ce que j'ai dû me prouver 10 fois plus que ma collègue pour obtenir le même salaire qu'elle dès son entrée dans la boîte, alors que j'ai dû de mon côté, attendre un an dans l'entreprise pour avoir le même salaire.

Tout n'est pas une question de couleur, d'ethnie, de sexe, pourrait-on me dire ? Et bien je trouve que, s'il y a bien un endroit parfait pour vous remémorer votre identité de femme noire, c'est le boulot ! Je ne sais pas pour vous, mais lorsque je suis arrivée dans le monde corporatif, à l'âge de 19 ans, je pensais vraiment rentrer dans le monde adulte, professionnel, censé, sérieux, etc. Que ma surprise fut grande lorsque j'ai découvert qu'il s'agissait en fait d'une vaste cour de récréation... Bon évidemment j'exagère, mais avouez qu'il y a des comportements très enfantins dans le milieu du travail. De ce fait, comme si les années d'école n'avaient pas suffi, en entreprise aussi, on peut faire l'objet de micro-agressions. Beaucoup sont verbales, mais ça peut aussi être physique. Comme l'exemple tant cité des personnes qui se permettent de toucher vos cheveux quand vous arborez un afro ou tout autre coiffure qui ne leur est pas familière.

À ce sujet, ça me rappelle la fois où je me suis présentée avec un headwrap au travail et qu'une de mes collègues m'a sorti "oh j'adore, ça fait exotique, ça me donne envie de partir en vacances !". Que voulez-vous répondre à ça ? J'ai lâché un sourire en coin. Je vous passe la question que toute femme noire a eu le droit sur son lieu de travail "est-ce que ce sont tes vrais cheveux ?". Et puis on arrive à la fameuse question, "tu viens d'où ?". Question que j'ai beaucoup plus entendu depuis que je suis arrivée à Montréal d'ailleurs. Bien entendu, j'ai un accent français, donc on se doute bien que je ne suis pas d'ici. En revanche, la réponse "je viens de Paris", n'est jamais suffisante, puisque ça s'enchaîne toujours par un "non mais tu viens d'où vraiment ?". "Ah tu veux dire de quelle origine je suis ?". Cette question n'est pourtant pas difficile à poser me semble t-il, m'enfin bon... Attention, j'entends bien qu'il n'y a rien de discriminant à demander à quelqu'un d'où il vient, c'est juste que j'aimerais faire prendre conscience aux personnes à qui on ne pose que très rarement cette question, que ça en devient épuisant de se faire demander d'où l'on vient vraiment sans cesse. D'autant que, mes amies noires québécoises ont le droit au même traitement de faveur alors qu'elles sont nées ici.

Mais au-delà des micro-agressions qui sont devenues banales pour beaucoup d'entre nous, il peut y avoir des comportements beaucoup plus blessants. Comme lorsque vous parlez souvent avec un(e) client(e) par téléphone et que le courant passe très bien entre vous, mais que lorsque vous le/la rencontrez en personne, il/elle est distant(e) et ose à peine vous parlez. Il y a aussi, notamment dans le milieu hospitalier, ces patients qui refusent d'être traités par une personne de couleur. À croire que nous avons la peste, ou pire, le coronavirus (en ces temps difficiles il faut bien en rire). Pouvez-vous imaginer à quel point on peut se sentir humiliée ? En fait, comme je le dis plus haut, le milieu de travail est l'un des milieux où le racisme est le plus présent. Et ça commence d'ailleurs dès le processus d'embauche. Saviez-vous qu'une étude en 2019 a démontré que le Canada faisait preuve de plus de discrimination à l'embauche envers les personnes issues des minorités visibles, que les États-Unis ? Voici l'article (en anglais).

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Je dois vous avouer que c'est décourageant et fatigant. J'ai moi même été victime de discrimination à l'embauche, que je vous ai détaillé dans mon article “Le racisme au canada”. Nous nous démenons pour trouver un travail à la hauteur de nos qualifications, et une fois que l'on est embauchée, on doit continuer à se battre pour prouver que l'on mérite sa place et en faire deux fois plus pour être récompensée. Avec plusieurs amies nous avons le même constat, pourquoi ? Pourquoi redoubler d'efforts dans une entreprise qui ne nous apprécie pas à notre juste valeur ?

Pour la plupart, nous n'avons juste pas le choix, les factures ne vont pas se payer toutes seules. Cependant, j'ai personnellement pris la décision de me lancer dans l'entrepreneuriat. Je veux redoubler d'efforts, accorder du temps et de l'énergie à une entreprise qui m'appartient. Je veux me prouver à moi-même que je suis capable, que j'ai les qualifications requises, que je mérite ce que j'ai, que je n'ai rien volé à qui que ce soit [c.f. le discours de "c'est de la faute aux immigrants si y a plus de jobs !"]. Si ça fonctionne tant mieux, si ça ne fonctionne pas tant pis, mais au moins j'aurais essayé. Je pense qu'il ne faut plus avoir peur, qu'il faut tenter, qu'il faut se lancer ! Et puis quitte à subir de la discrimination à l'embauche, autant créer son propre emploi, et s'il y a bien un pays qui incite à l'entrepreneuriat, c'est le Canada.

Alors mesdames, si vous êtes tannées de votre job, que vous êtes dans un milieu de travail toxique, que vous sentez que votre travail n'est pas récompensé à sa juste valeur, n'ayez pas peur de partir, même en temps de pandémie. Réfléchissez à toutes les options possibles avant de démissionner évidemment, rien ne se fait sur un coup de tête. Mais ne vous trouvez pas d'excuses et surtout n'ayez pas peur de sortir de votre zone de confort ! C'est très important. Nous passons un tiers de notre vie à travailler, alors vaut mieux le faire en étant épanouie :)

Je vous annoncerai bientôt le lancement de mon entreprise (c'est super excitant je sais), mais en attendant, je vous envoie plein d'ondes positives et espère que cet article vous aidera à faire un choix qui changera peut-être votre avenir.

Nanoushka.

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