Ma fausse couche : 10 ans après

Il y a 10 ans, au cours du printemps 2014, je découvrais que j’étais enceinte. Cela faisait quelques mois déjà que j’avais arrêté ma contraception mais je ne faisais pas tant attention à mes moments d’ovulation, je ne faisais que de suivre l’arrivée de mon premier jour de règles. Quand j’ai vu que j’accusais un retard de 2 semaines, je me suis dit qu’un test de grossesse était de mise. Il fut négatif (je l’ai sans doute mal fait/compris), mais mes règles n’arrivant toujours pas, j’ai été faire un prélèvement sanguin qui lui a affirmé la grossesse. J’avais 23 ans.

Disons que mes émotions étaient partagées. J’étais à la fois heureuse de porter la vie, et la fois anxieuse vu la relation dans laquelle j’étais. Si vous avez écouté mon podcast, il s’agit de l’histoire que je raconte dans les deux premiers épisodes de la saison 3 (S3EP1 - S3EP2). Du coup, en apprenant cette nouvelle, j’appréhende la réaction de mon copain de l’époque, qui, je le rappelle, est celui qui voulait un enfant.

C’est une bonne nouvelle mais tu sais je pense qu’un jour on va se séparer
— Mon ex

Super! C’est clairement ce que j’avais besoin d’entendre. Moi qui ai grandi avec la crainte de me retrouver mère célibataire comme ma mère, ces paroles résonnent en moi comme un coup de massue ! Je m’effondre. En même temps, je savais qu’il avait raison. Cette relation n’allait pas durer, je le sentais moi aussi mais j’ai eu espoir que cette grossesse change les choses pour le mieux.

Sauf que, dans ma 10e semaine, je perds le fœtus. Mis à part mon meilleur ami et mon ex, personne n’est au courant. Je vis ce moment quasiment seule et en silence. C’est dur. C’est dur de reprendre sa vie comme si de rien n’était. Quand tu disais que dans quelques mois tu allais avoir un enfant, tout se termine en quelques instants. Et puis on a le droit au fameux discours « vous êtes jeune, vous avez encore le temps.» Mais le plus frustrant c’est de n’avoir aucune explication sur le pourquoi du comment. Alors que 3 semaines auparavant, j’avais fait l’échographie de datation, j’avais pu entendre son tout petit coeur et puis voilà que tout s’arrête soudainement. C’est violent. Et il n’y a aucun accompagnement psychologique offert par le système de santé. L’interruption de grossesse est tellement banalisée…

Suite à ce moment douloureux, 2 choix s’offrent à moi :

  1. Recommencer en espérant que la nouvelle grossesse aboutisse

  2. Repenser mes choix de vie et améliorer ma situation

J’ai opté pour le n˚2. J’ai réalisé que malgré la souffrance que je ressentais suite à cette fausse couche, c’était un signe. Un signe qu’il est encore temps de changer ma trajectoire, de réaliser des projets que j’avais en tête depuis longtemps, comme celui de quitter la France. Je change donc de travail pour avoir un meilleur salaire et éventuellement préparer mon départ d’ici les deux prochaines années (ce que j’avais planifié mais qui est arrivé l’année d’après).

J’ai par contre encore du mal à me départir de cette relation, surtout que lorsque je dis à mon ex que je souhaite partir, il est complètement en accord avec cette idée, ce qui rend le projet moins apeurant vu qu’on sera deux à le réaliser*.

*Je vous invite de nouveau à écouter le podcast pour savoir comment tout ça s’est finalement passé.

10 ans plus tard, comment je me sens ?

Ouuuuuuuuuf, si on m’avait dit où j’en serai 10 ans après, j’aurais ri à gorge déployée tellement ça me serait paru irréaliste! Et pourtant j’y suis, je le vis. Me voilà depuis près de 9 ans au Canada, presque 7 ans en couple, fiancée et enceinte,

Je vous dirais qu’évidemment mes premières semaines de grossesse ont été un peu stressantes du fait d’avoir déjà vécu cette fausse couche auparavant. Cependant, je suis tellement confiante et sereine dans ma relation, et globalement bien dans ma vie, qu’à chaque fois qu’un doute surgissait, j’arrivais à le contrer. Et puis j’en parlais à mon conjoint qui a toujours les mots pour me rassurer. Quand je lui ai annoncé ma grossesse en octobre dernier, il était tellement heureux, absolument rien à voir avec mon ex. Et c’est ça la grosse différence, le « ça n’a absolument rien à voir avec il y a 10 ans ! »

Aujourd’hui, je suis dans mon 6e mois de grossesse et jusqu’ici, tout se passe encore mieux que ce que j’avais pu espérer. Vivre cette grossesse m’a fait prendre conscience qu’il y a 10 ans, ce n’était pas le bon moment, et cet enfant que je portais le savait. Il ne s’est pas développé car il savait qu’il ne venait pas au bon moment, il m’a laissé une chance. Une chance de me rattraper, de changer le cours de ma vie, une chance de m’épanouir, d’accomplir de nombreuses choses, de travailler sur moi-même, de guérir tant de blessures, de faire mon deuil de sa perte, avant d’être à nouveau capable de porter la vie. Je l’en remercie grandement. Cet enfant non né m’a permis d’oser vivre la vie que je mérite.

Reconnaissante, chanceuse, privilégiée, voilà comment je me sens 10 ans après cet événement. Avoir la chance de porter un enfant conçu dans le véritable amour et le respect, reconnaissante que cet enfant nous ait choisis en tant que parents, privilégiée d’être tombée enceinte rapidement, d’avoir très peu de symptômes et de vivre une grossesse des plus normales et joyeuses.

Nanoushka.

Suivant
Suivant

2023 s’achève… Qu’est-ce qu’on en retire ?