La performance à outrance
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Exister. (Sur)vivre. Performer.
J’ai l’impression que c’est tout ce à quoi on est destiné. Malgré moi, je suis constamment dans une performance. Performance en tant que femme, performance en tant que conjointe, performance en tant que mère, performance en tant qu’employée, performance en tant qu’artiste.
Je comprends qu’il est important de vouloir donner le meilleur de soi dans chaque aspect de sa vie. C’est ce qui nous élève en tant qu’être humain. C’est ce qui nous permet d’avancer. C’est ce qui nous pousse à aller plus loin, à être ambitieuse. C’est un vecteur de motivation.
Cependant, l’idée bien capitaliste de toujours se fixer des objectifs à atteindre, dans chaque sphère de notre vie est, selon moi, pesante et épuisante. Je vous donne des exemples dans les lignes qui suivent.
La fin d’année
Lorsque le mois de décembre fait son entrée, le fameux dernier mois de l’année, c’est le moment où l’on prend le temps de tirer le bilan des 11 mois passés. Ça commence d’ailleurs avec le “Spotify wrapped” qui nous fait un topo (très biaisé) de ce que l’on a le plus écouté cette année (dans mon cas ça se résume à Bad Bunny et Meryl). Puis, si l’on est une adepte des “vision board”, on y jette un coup d’oeil pour voir si l’on a atteint ses objectifs ou pas. Et c’est souvent à ce moment-là qu’une vague de déception s’empare de nous. Enfin pour ma part, c’est le cas. Je ne pense même pas avoir atteint le quart des objectifs que je m’étais fixée. Je suis donc évidemment déçue. Pourtant, je ressens une énorme fatigue, une fatigue de “j’en ai vraiment fait beaucoup ces derniers mois”. Parce qu’en réalité c’est le cas. Il y a 11 mois, j’étais en congé maternité, je m’occupais d’un petit être 7 jours 7, 24 heures sur 24. Depuis lors, mon quotidien a totalement changé car, j’ai trouvé un nouvel emploi à temps plein, ma fille va à la garderie, et donc, le rythme des journées est bien plus rapide qu’auparavant. Rien que ça, est un bel accomplissement en soi, alors pourquoi suis-je déçue ?
Trop de pression, pas assez de douceur
Comme je l’ai écrit en introduction à cet article, se fixer des buts à atteindre est un vecteur d’amélioration constante de son bien-être, de sa personne et donc de sa vie en général. C’est donc une très bonne chose en soit. Le problème qui se pose, c’est que l'on oublie que simplement exister se suffit à soi-même, et donc, on s’oblige à toujours être “on top of things” régulièrement. Spoiler alert, c’est impossible. Et c’est souvent notre corps qui sonne l’alerte et qui nous fait comprendre que l’on en fait trop. On ne s’accorde pas assez de moments de lenteur, de douceur, de lâcher prise. Parce que le système nous oppresse et nous force à être constamment dans la performance, dans la productivité, dans l’efficacité. Et c’est tellement ancré en nous qu’on se met la pression en dehors de l’aspect professionnel. On se met la pression dans notre vie personnelle. On se met à performer nos relations romantiques, amicales, familiales, notre féminité, notre maternité.
être une “GIRLBOSS” ne m’intéresse pas, est-ce que c’est grave?
Non. Comme on dit au Québec « c’est ben correct! ». Je ne sais pas pour vous, mais moi cette fin d’année je la trouve anxiogène et maussade. Le contexte socio-économique et politique est très préoccupant ici au Québec, comme c’est le cas un peu partout d’ailleurs, Je réalise qu’en décembre 2025, être en mesure de répondre à ses besoins de base (se loger, se nourrir, se vêtir, se soigner), c’est déjà un exploit en soit, parce que de plus en plus de personnes n’ont même pas cette chance. Je pense que mettre les choses en perspective, prendre conscience de ses privilèges, être reconnaissante de ce que l’on a et de ce que l’on accomplit chaque jour, est une belle façon de faire son bilan de fin d’année.
Je n’ai ni l’envie, ni l’énergie de m’embarquer dans de nouveaux projets, juste histoire de dire “je fais quelque chose de ma vie outre travailler et m’occuper de mon foyer”. Parce que la vérité c’est que ces 2 choses là occupent une très grande place dans ma vie et prennent la majorité de mon temps. Et c’est ok. Je l’ai choisie cette vie. J’ai choisi de baigner dans ce confort, qui requiert de l’organisation et des sacrifices, mais qui n’en est pas moins un confort.
Pour en revenir au concept de la “girlboss”, c’est une femme qui est soi-disant en position de pouvoir tant dans la sphère professionnelle que personnelle. Elle elle a des de grandes responsabilités, elle prend d’importantes décisions, elle est indépendante financièrement. Ça semble être le rêve de toute femme. Et c’est ce que les réseaux sociaux nous vendent à tout bout de champ. Devenir sa propre boss, gérer son temps, son argent, ne dépendre de personne. C’est là que ça coince pour moi. C’est contradictoire avec ma vision des choses, avec mon besoin de faire communauté. J’ai beaucoup de mal avec le concept de hiérarchie. Je ne crois pas au “self-made”. Je ne pense certainement pas que chaque personne devrait être entrepreneur.
J’aime beaucoup trop prendre des décisions collectivement, être en mesure de compter sur les autres, être en relation de dépendance avec mes proches. Je n’ai aucun problème à mettre mon égo de côté, même si, j’admets qu’il est tentant (et plaisant) d’être valorisée individuellement et d’être mise sur un piédestal. Personnellement, je trouve ça agréable d’être dans une position de complémentarité avec d’autres humains plutôt que de supériorité/infériorité. En fait le concept de la “girlboss” pour moi c’est du capitalisme pur sous couvert de “féminisme”. L’émancipation des unes se fait au détriment de la domination des autres. Et puis c’est aussi ajouter une couche dans la lourde charge mentale que se traînent les femmes. Sois belle, sois en forme, sois en bonne santé, sois une bonne mère, sois une bonne épouse, sois entrepreneure, sois indépendante, gère tout toute seule, ne compte que sur toi-même. Ça vous fait rêver ça? Moi absolument pas.
Conclusion
Prendre le temps. Prendre le temps d’apprécier le moment présent. Prendre le temps de compter ses bénédictions. Prendre le temps de dire à nos proches qu’on les aime. Prendre le temps de véritablement se déconnecter, se reposer, se recharger.
Parce que se projeter, planifier, c’est performer.
J’ai conscience qu’à cause du système dans lequel on vit, nous n’avons pas le choix que devoir organiser à l’avance nos journées, nos semaines, notre année. Mais, ce que la maternité me fait comprendre, c’est que le temps file à toute vitesse, alors il est important de s’arrêter et de savourer chaque instant précieux. En ces temps d’inquiétude et d’incertitude, il est primordial de se rappeler que la valeur de notre vie ne se mesure pas à ce que l’on est capable de produire.